L’ORGUE
ClassÉ AU TITRE DES Monuments Historiques
L’église Saint Jean-Baptiste de Chaumont-en-Vexin compte parmi son mobilier un bijou témoin de toute la facture d’orgue du XVIème au XIXème siècle. Instrument dit “de transition”, il est passé dans les mains de plusieurs facteurs importants pour arriver tant bien que mal à nos jours.
Nous avons connaissance de la construction vers 1573 d’un orgue sur la tribune du portail nord de l’église, cette tribune pouvant avoir été édifiée en encorbellement ou bien en “nid d’hirondelle” sous la rosace comme peuvent le laisser penser les traces d’ancrages encore nettement visibles.
Cet instrument pourrait être l’œuvre du facteur d’orgues Nicolas BARBIER, de Laon, qui construisit entre autres les grandes orgues de Gisors entre 1577 et 1580 et celles de Mantes-la-Jolie (1583-1588).
On pouvait accéder à cet orgue par l’escalier du portail, qui contient une main courante sculptée remarquable.
Il conduit encore à une ancienne porte aujourd’hui murée, donnant accès à la tribune de l’orgue et plus haut, la salle des soufflets avec ses médaillons Renaissance.
En 1837, la reconstruction de l’orgue est décidée et confiée au facteur Louis CALLINET. D’après la “notice sur l’orgue de Chaumont-en-Vexin (Oise)” rédigée en 1947 par le facteur Louis EUGÈNE-ROCHESSON, le buffet de l’ancien orgue du XVIème siècle tombait alors en ruine.
Louis CALLINET procède à la sauvegarde des tuyaux d’étain de ce vieil instrument et propose la reconstruction d’un orgue de 14 registres dans un buffet néo-gothique “temporaire” encore visible aujourd’hui.
Il est situé en fond de la nef sur une tribune édifiée pour le recevoir. Louis CALLINET complète l’ensemble de la vieille tuyauterie par des jeux de sa fabrication, d’excellente qualité.
La partie instrumentale comprend une mécanique neuve avec claviers sur le côté, deux sommiers neufs de sa conception pour le clavier principal de Grand-Orgue et un petit sommier apparemment plus ancien, certainement d’occasion pour le clavier de Récit.
Le rapport, qu’en fait l’expert de l’époque Paul-Marie HAMEL nous est parvenu par l’Encyclopédie RORET, parue vers 1850, est assez élogieux et, tout en reconnaissant que Louis CALLINET “n’eût jamais de grandes entreprises”, témoigne de la puissance et de la qualité des sons de l’orgue de Chaumont.
En 1912, 500 francs de travaux sont attribués au facteur Antoine SEQUIES de Lille, intervention malheureuse dont le rapport de Louis EUGÈNE-ROCHESSON nous apprend la suppression de deux jeux, la 1ère Trompette ainsi que le Cornet de Récit.
Il faut se rendre à l’évidence que ce facteur avait la fâcheuse habitude, dans ce genre d’intervention, de subtiliser des jeux entiers de tuyaux… ou bien des parties mécaniques (Savigny-sur-Orge, Saint-Omer, Bellac).
Pendant la seconde guerre mondiale, de nouveaux travaux sont entrepris par “un facteur bricoleur de Dijon”, selon les mots de Louis EUGÈNE-ROCHESSON. Il s’agit du facteur Jules BOSSIER, dont la réputation est sujette à caution comme à Houdan, Auxerre, Alès.
Suite à l’arrivée de l’électricité, une turbine neuve est alors installée en tribune “dont le bruit intolérable gênait tous les offices”. Il est probable que la disparition du Plein-Jeu de CALLINET (270 tuyaux) ait eu lieu à cette époque, pratique habituelle de Jules BOSSIER.
Au cours de l’année 1947, le facteur Pontoisien Louis EUGÈNE-ROCHESSON intervient pour remettre l’orgue en état, suite aux années de guerre.
Il déplace la turbine dans la salle du clocher et intervient certainement sur la tuyauterie et l’accord.
Ce facteur interviendra également au chevet du petit orgue voisin de Liancourt Saint-Pierre, construit par Nicolas Antoine LETE en 1843, malmené lui aussi (vol de tuyaux, dégradations).
L’orgue assurera ainsi son service durant de longues années. Mais, en 1972, il nécessite une intervention bien compréhensible ; c’est ainsi qu’Adrien MACIET facteur d’orgues à Montainville (78) encadre ce premier travail de dépoussiérage complet de l’orgue effectué par Jean-Jacques MOUNIER alors jeune facteur d’orgues.
Les facteurs assurent l’accord de l’orgue nettoyé, ainsi que la refabrication d’un jeu de Cromorne qui était passé en Voix Humaine en 1837 par raccourcissement des corps des tuyaux. D’autres travaux sont envisagés en 1973, mais non réalisés par manque de moyens, comme la restitution du Plein-Jeu de CALLINET.
L’orgue sera inauguré le dimanche 15 avril 1973 par Monsieur René DESPLAT, organiste à Saint Merry.
Le 13 septembre 1982, l’orgue est classé Monument Historique. L’orgue sera par la suite entretenu par Jean-Jacques MOUNIER, puis par la Manufacture d’Orgues MOUNIER de 1990 à 2020.
Divers travaux ont été réalisés par la suite grâce au concours de la Municipalité et de notre association :
- En 1995, les claviers manuels accusant une usure marquée, ont été replaqués en os par l’entreprise MOUNIER.
- En 2008, le jeu de Hautbois stocké depuis fort longtemps dans leurs ateliers a été restauré puis installé de nouveau à sa place ; ce jeu est daté du XVIIIème siècle.
- En 2014, une campagne de travaux importante est réalisée par l’entreprise MOUNIER : la fourniture d’une turbine neuve silencieuse installée en tribune, la reconstruction d’un Plein-Jeu de 5 rangs, soit 270 tuyaux d’étain, sur les chapes de Louis CALLINET
- L’accord général reste dans esprit très “baroque”, selon un tempérament assez sévère.
Il reste encore des travaux à réaliser afin de retrouver l’orgue de Louis CALLINET, la restitution du jeu de 1ère Trompette ainsi que le jeu de Cornet de Récit.
Aux jeux d’orgue, Gustave Cuypers
L’orgue est aujourd’hui entretenu par Alain BOULAIS, facteur à Auvers-le-Hamon depuis mars 2020.
L’Orgue de Chaumont-en-Vexin fait la synthèse entre la Renaissance, le Siècle des Lumières, la Monarchie de Juillet et le XXème siècle.
Il comporte encore 3 jeux du XVIème siècle (dessus en étain du Bourdon de 8 de Grand-Orgue et de la Flûte de 8 du Récit et le Nasard du Grand Orgue), un jeu du XVIIIème siècle (le Hautbois de Récit) et 6 jeux de CALLINET (Bourdon de 16, Montre de 8, Prestant de 4, Doublette de 2, la Tierce et la Trompette de Grand-Orgue).
Même si cet orgue a subi les affres de malhonnêteté ou d’idéologie de certains facteurs, on peut néanmoins entendre la couleur d’un bel orgue “de transition” entre la période classique et la période romantique.
Gustave Cuypers